Avant-Propos : Je tiens à remercier chaleureusement l’apport essentiel et indiscutable de Colibry, sans laquelle je n’aurai eu la force de trouver les mots les plus justes pour ce court récit qui, je l’espère, traduit au mieux ce que je souhaitais exprimer. Merci ! Les ombres dansaient sur les parois tandis que la faible lueur de la torche vacillait dans les moites cavernes des Mortemines… Cette humidité, alliée à la chaleur des forges des Défias, provoquait condensation et chaleur dans ce dédale devenu oppressant et où seuls les sons de pioches martelant les roches riches en minerais leur parvenaient, ponctué de temps à autres de quelques claquements de fouets et cris de douleur. Depuis combien de temps ces pauvres personnes étaient-elles l’esclave de VanCleef … ? Cela Barthikorn l’ignorait mais sa détermination n’en était que plus renforcée…
Le groupe progressait doucement dans ces couloirs qui s’enchaînaient et se ressemblaient tous. La formation défensive était en place alors qu’ils tentaient d’avancer le plus silencieusement possible… Depuis près d’une heure, ils procédaient de la même manière, les muscles bandés et l’attention à son paroxysme, pour sécuriser chaque allée, chaque recoin, afin d’éviter un potentiel guet-apens…. Et… à mesure qu’ils se rapprochaient des battements irréguliers des mineurs, leurs pas se rendaient flottants, voire incertains…
« Ils sont là… » chuchota le jeune guerrier au reste du groupe, s’arrêtant pour observer, au détour de l’un des nombreux méandres qui composaient les galeries, les contremaîtres qui agitaient frénétiquement leurs martinets. D’un geste bref et concis de la main, il indiqua à ses acolytes de se préparer à l’affrontement… Heyl empoigna fermement son bâton et commença à murmurer une longue prière dont il ne pouvait saisir le sens alors que Salrin forma de ses lèvres une bénédiction pour protéger ses alliés… Ugh et Grel, de leurs côtés, empoignèrent fermement leurs armes respectives. Barthikorn inspira profondément tandis qu’il sangla davantage encore son écu d’élémentium à son bras… Ils étaient prêts… Il le fallait…
Il fut le premier à se dévoiler à ses ennemis qui dégainèrent aussitôt leurs courtes lames à sa vue. Les ogres l’analysèrent avant de rire grassement…
« Un seul petit homme contre nous tous ? Nous avons un nouveau volontaire l… grlgl ! » Les yeux révulsés et pris de convulsion, il s’effondra brusquement tandis que le guerrier retirait la lame de sa gorge. Les quelques autres ennemis restèrent pantois quelques secondes face à la rapidité d’exécution de l’homme en plaque avant de se décider à charger. Plus nombreux et plus forts, ils ne pouvaient toutefois rien faire face au techniques calculées du guerrier. Celui-ci, qui assomma l’ogre à sa droite, bondit sur celui qui s’éloignait pour alerter le reste des bandits et, d’un coup sec, taillada ses jambes avant d’écraser violemment son bouclier sur son crâne. Il se retourna pour constater que les deux autres lourdauds se jetaient sur lui, les armes brandies tel un étendard de bataille… Des cibles faciles… Il alla aux prises de ses adversaires, en évitant l’estocade et le coup franc qui lui étaient porté avant d’en désarmer l’un d’eux qui s’effondra sous les attaques dévastatrices qu’il lui asséna par la suite… Gisant au sol, le contremaître abattu se vida de son sang tandis que le dernier encore debout recula peu à peu… Il était trop tard… Le jeune humain chargea, assomma, trancha… et exécuta.
S’assurant que le dernier ogre était éliminé, Barthikorn se redressa de toute sa stature pour se diriger vers le cœur du complexe Défia… « Allons-y. »
***
Les flèches volaient tandis que les crocs de Tyril lacéraient les tendres chairs qui s’offraient à sa gueule… Les épées et autres masses déchiquetaient et broyaient tant les armures que les os…. Les bénédictions que murmurait le prêtre en retrait augmentaient considérablement l’efficacité de cette escouade téméraire réclamant justice… Ils progressaient aisément dans les sombres galeries, veillant à éliminer ou neutraliser toute menace potentielle. Les combats ne duraient guère et le groupe d’aventuriers contenait sans grandes difficultés les assauts des ogres, s’assurant de ne pas laisser les plus couards sonner l’alerte. Et si Glubtok, l’ogre magi, les avait quelque peu retardés, ils purent sans problème défaire les sombres machinations d’Helix Engrecrasse, un traître à sa race et à sa faction toute entière. Oui… ils gagnaient du terrain…
Ils traversèrent de la sorte les fonderies du complexe, affrontèrent autres mécanismes meurtriers et invocateurs Défias avant de faire face à la merveille technologique létale que constituait le Faucheur 5000… probablement l’une des armes les plus terrifiantes que VanCleef ait conçue… Malgré de sévères blessures et l’émergence de scories enflammées, les protégés de Derlos établirent rapidement une stratégie de fortune qui s’avéra payante… permettant à Ugh de libérer, dans un dernier accès de rage, sa force titanesque qui vint à bout de l’imposante structure de métal… Blessés et déterminés, ils se dirigèrent vers les sources de l’humidité ambiante et arrivèrent, non sans étonnement, devant le navire de guerre qui mouillait dans une baie intérieure aux cavernes.
« Bon sang…. Alors c’est ça qu’ils prévoyaient de faire… » lâcha Ugh, estomaquée par l’énormité du vaisseau.
« Avec un engin comme ça et une armée de ces robots qu’on a dû affronter, ils ont les moyens de déclencher une sacrée agitation en ville » « C’est pour cela que nous devons les en empêcher » reprit Salrin.
« Nous avons tous vus ce qu’il était advenu de la Colline… ne laissons pas ces atrocités se reproduire au cœur même du royaume. » Le reste du groupe hocha la tête
« Nous avons un assaut à mener ! » finit-elle par affirmer en psalmodiant une nouvelle bénédiction. Le groupe prit position et commença l’attaque tandis que les cloches sonnaient l’alerte. Ils étaient peut-être repérés mais Barthikorn s’en moquait… Qu’ils approchent… sa lame réclamait le sang de ces criminels !
« Allez les gars ! On doit contrôler la rambarde avant de grimper sur le ponton » hurla-t-il à l’adresse de ses alliés.
« Heyl, baisse-toi ! Grel, enflamme-moi ce rafiot ! » A l’opposé d’Ugh, il déviait les lames de ses ennemis tandis que sa comparse réduisait les offensives arrières à néant. Formant une ligne de front avec Salrin, ils brisaient la défense ennemie par une cohérence d’équipe sans faille. Protégeant Heyl, il s’assurait que le prêtre soit constamment en mesure de soigner le reste du groupe tandis que le jeune chasseur réalisait sans attendre ce qu’il lui avait ordonné.
« On se bouge ! Ils vont nous avoir ! ». Ils grimpèrent sans plus attendre sur le pont du vaisseau et commencèrent cette dernière partie du plan méthodiquement.
« Salrin, Ugh, à l’avant ! Je passe en arrière ! Grel, détruis-moi la rambarde d’accès avec tes flèches explosives ! Heyl, protège-les à l’avant ! ». Il frappa le sol de toutes ses forces pour déstabiliser les adversaires qui s’approchaient chaque seconde un peu plus, les obligeant à se masser sur l’étroite passerelle de bois. Il prenait un malin plaisir à piéger ces meurtriers jusqu’à que Grel puisse réaliser sa partie du plan… L’explosion qui s’ensuivit et les cris agonisants des Défias lui donnèrent la plus ample satisfaction… Voilà ce qu’il en coutait de les affronter… eux… les prodiges de Hurlevent !
« On reprend la formation habituelle ! Grel, même chose, mais sur les poudres à canons cette fois ! ». Il se baissa pour éviter une frappe latérale de l’un des pirates avant de riposter par une charge implacable, renversant au passage les forme-grains qui bloquaient l’accès au pont supérieur. Au loin, il pouvait distinguer les ordres de l’Amiral Grondéventre, le worgen pour lequel VanCleef avait brûlé la Colline… Il devait payer pour ses crimes !
« Repoussez les, bande de tire au flanc ! Ils ne doivent grimper sur le pont principal sous aucun prétexte ! » Il aboyait ses ordres aveuglément, agitant frénétiquement ses bras en direction de l’artillerie lourde.
« Prenez les canons ! Formez une ligne défensive ! Réussissez ou mourrez ! Que ce soit de leurs mains ou des miennes ! ».
Esquive, estoc à droite, tournoiement, déstabilisation… le groupe exécutait sans peine la stratégie mise en place par le guerrier. Malgré un nombre toujours plus impressionnant d’ennemis, ils développaient leur protection et grimpaient petit à petit vers la position de l’Amiral.
« Laissez-moi passer devant ! Je me charge des canons ! » affirma Barthikorn, empli d’une rage inhabituelle,
« Et défendez l’arrière ! ». Prenant position entre ses acolytes et la dernière ligne ennemie, formée de l’artillerie lourde des Défias et de ses troupes d’élites, il affirma sa prise sur sa lame et plaça son bouclier face à lui. Il n’en pouvait plus de ces pirates… de ces criminels sans honneur et sans remords… de ces meurtriers. Les images de la Colline hantaient son esprit… ces cadavres infantiles entassés dans cette fosse… ces femmes souillées envoyées dans les bâtiments en flammes… ces rangées de cadavre à la gorge éventée….
« AAAAAAAAAAAAAAARGHHHH !!!! » Dans un hurlement, il bondit sur les mortiers ennemis et, d’un coup sec, frappa le sol pour étourdir ses adversaires tandis qu’il réalisa une immense onde de choc pour briser les appuis des canons. Parade, contre-attaque… il éventra l’un de ses ennemis… Esquive, bond en arrière… il en étourdit un autre avec une frappe latérale de son écu… Charge, estoc… il ne put éviter l’attaque qui lui était destiné et sans son armure, le coutelas se serait planté profondément dans sa hanche… Ayant un sursaut de rage, il tournoya pour repousser ses adversaires et en tua deux à l’occasion. Dans cette tentative, il vit l’un des pirates allumer la mèche du canon extérieur. Chargeant dans sa direction, il exécuta le matelot avant de lancer une arme de jet qu’il gardait en réserve dans la gorge de l’un de ses adversaires. Propulsant toute sa force dans son pied, il percuta à l’aide de celui-ci l’avant du canon prêt à faire feu pour en orienter la bouche vers le reste de l’artillerie lourde. Il eut à peine le temps de distinguer l’horreur se dessiner sur le visage de ses opposants avant de se cacher derrière son bouclier… attendant la détonation.
L’explosion ébranla l’ensemble du vaisseau tandis que les derniers canons restants étaient incapables de tirer quoi que ce soit. L’Amiral Grondéventre enrageait sur le pont principal
« C’est quoi ce bordel ! Depuis quand un seul homme peut-il vaincre une rangée de canons ?! ». Barthikorn détourna le regard vers cet individu envers lequel il nourrissait tant de rage.
« Venez donc si vous êtes si fiers… et voyons ce que vous valez réellement ! ». Le guerrier sourit… il exultait à l’idée de faire taire cette bête sauvage…
« Les gars, on y va ! Vengeons tous ces morts !!! » hurla-t-il… Enfin il pourrait laisser couler sa rage… enfin il pourrait faire justice.
« Barthi… on ne devrait pas l’emmener à Hurlevent pour qu’il soit jugé ? » questionna Salrin… visiblement inquiète quant à l’état d’excitation du guerrier
« Pour quoi faire…nous pouvons rendre justice dès maintenant ! » aboya-t-il dans un hurlement…
« Terminons en dès maintenant ! » Si cette explication ne semblait guère satisfaire Salrin, elle n’en opposa pas moins d’objections… Malgré ses grands atours de suivante de la Lumière, elle aussi cherchait vengeance…
«Comme tu voudras… mais tu devras assumer tes actes Barthi… j’espère que tu en es conscient… » « Jamais je ne pourrais regretter cette journée » haleta-t-il dans un souffle.
***
L’Amiral se tenait là… les lames dégainées… et prêt à en découdre… Tout comme le guerrier qui se présenta à lui.
« Ca en est fini de toi Grondéventre… Tu vas payer pour tes crimes… C’est par ta faute si la Colline n’est plus… » L’Amiral lui rendit un sourire des plus narquois qu’il lui a été donné de voir.
« Par ma faute ?... Ai-je seulement demandé à être sauvé par cette organisation ?... J’en profite peut-être aujourd’hui, mais je ne suis pas le seul à blâmer pour cette attaque…. » « Ferme là, sale chien ! Toi qui ose affirmer n’y être pour rien… n’éprouve tu donc aucun remords ?!! » hurla le jeune guerrier. Il voulait voir sa proie périr sous l’assaut de ses attaques… Oui… Grondéventre devait mourir… Il chargea sur le worgen dans un élan de rage meurtrière. Celui-ci esquiva la plupart des assauts que Barthikorn lui donna avant de reprendre l’avantage par une maîtrise du sabre sans communes mesures. Il esquivait ou parait les flèches, espadons ou autres masses… Il repoussait Ugh tandis qu’il tenait aisément tête à Salrin. Le guerrier bondit à la face de son ennemi et ils échangèrent ainsi des passes d’armes. Leurs niveaux étaient semblables… alors pourquoi n’avaient-ils pas l’avantage… ? Ils étaient 5 contre un animal… une bête sanguinaire et meurtrière !
« N’as-tu donc pas honte d’avoir tué femmes et enfants ?!! » aboya le jeune homme, alors même qu’il était aux prises des sabres de Grondéventre. Celui-ci se désengagea et disparut dans les brumes avant de répondre.
« Non. Je n’ai pas honte…. A l’inverse de toi jeune homme… » Le guerrier pouvait l’imaginer sourire davantage encore.
« Et tes petits amis pourront en témoigner… Tu sais peut être te battre… mais sais-tu tenir tes promesses ? ». Il n’en revenait pas… voilà qu’il lui parlait d’honneur maintenant… Un meurtrier doublé d’une langue de vipère… Il n’était rien d’autre qu’une engeance de la pire espèce ! De chaque côté du pont, des formes brumeuses apparaissaient et harcelaient les membres du groupe. Les protégés de Derlos tenaient vaillamment face à ces nouveaux adversaires et purent enfin y venir à bout, malgré de lourdes blessures. Profitant du moment d’accalmie, l’Amiral réapparut pour attaquer le prêtre. Mais il croisa en lieu et place l’espadon d’Ugh tandis que Salrin murmurait des incantations bienfaitrices.
« Allez, motivez-vous ! On doit l’avoir !! » exhorta Barthikorn au reste des troupes, éreintées.
De nouveau, Grondéventre se désengagea et poursuivit, le sourire aux lèvres.
« Regarde-les, jeune guerrier ! Regarde-les comme ils n’osent rien dire ! » Salrin, Grel, Heyl…. Et même Ugh tous détournaient le regard quand il tourna le sien dans leur direction.
« Vois comme ta folie de « justice » les inquiètent… Tu souhaites protéger mais ta présence n’a rien de réconfortante, voire même de rassurante… Tu n’arrives pas même à les protéger de ta folie… toi qui les as embarqués ici même ! » Le jeune homme ne comprenait pas ce que son ennemi voulait dire… et il s’en moquait éperdument… seule la mort de l’Amiral importait.
« Ferme-là ! Ils m’ont suivi car ils l’ont voulu… Eux aussi réclament cette justice ! » grogna le jeune homme… Il chercha un assentiment dans le regard de ses camarades mais ne vit rien… L’Amiral éclata de rire.
« Tu vois, tu leur impose ta vision des choses tel ce cher Roi Wrynn avilissant ses sujets ! Tu sais effectivement te battre gamin…. Mais tu ne peux pas protéger ! Non… tu te donnes des grands airs de justiciers pour dissimuler ta quête de vengeance ! Tu ne vaux pas mieux que moi gamin… loin de là ! » Tout cela était faux… il ne cherchait qu’à instiller le doute dans l’équipe, voilà tout… Il devait mourir avant qu’il ne soit trop tard ! Le guerrier hurla de rage et fonça sur le worgen dont il pouvait deviner un affaiblissement. Les deux êtres combattaient ardemment tandis que Salrin apposait les premiers soins pour que le prêtre reprenne des forces. Alors que les deux combattants semblaient dans une impasse, d’autres fantômes de brumes apparaissaient.
« Tenez-les ! Je m’occupe de l’autre worgen ! ». Alors qu’ils n’étaient qu’à seulement quelques centimètres l’un de l’autre, Grondéventre murmura des mots de manière à ce que seul lui puisse entendre.
« Et encore, même avec tes compétences tu ne sais pas protéger ce qui t’es cher… regarde ce qui s’est passé à la Colline…. Pourquoi n’as-tu rien fait ? « Je ne pouvais rien faire, monstre ! Personne ne pouvait rien faire ! » Il enrageait… recevoir une leçon de bienfaisance par un type tel que lui….
« Oh vraiment ? Tu viens de détruire une rangée entière de canons à toi seul… Ton groupe et toi avez mis en déroute suffisamment de nos hommes pour retarder nos opérations de plusieurs mois… Et tu oses me dire que tu n’aurais rien pu faire ? » L’Amiral ria aux éclats
« Tu n’es qu’un gamin, guerrier… Un gamin qui ne sait pas se protéger de lui-même… un gamin qui ne sait pas protéger ses alliés… un gamin qui ne sait pas protéger ce qui lui est cher…. » Il sonda du regard Barthikorn, qui de son côté bouillait de rage.
« Je pense ne pas trop me mouiller si je dis que tu as dû recevoir un nombre incalculable d’éloges sur tes compétences… Mais à quoi servent-elles si tu ne peux pas même suivre cette promesse élémentaire que tu t’es faite ? La Justice n’est pas une notion que l’on peut faire varier à sa guise… gamin… » Le guerrier n’en pouvait plus… Il dévorait du regard ce worgen… ou plutôt cette bête sauvage… et ne souhaitait qu’une seule et unique chose devant ces calomnies… la mort !
« J’en ai assez de tes conneries… Finissons-en… » « Qu’il en soit ainsi ! » Barthikorn bondit en arrière pour se désengager tandis que l’Amiral disparut une fois de plus dans les brumes. Il aida ses compagnons à occire les apparitions fantomatiques avant d’ordonner.
« Au prochain coup… tous dessus… Il ne doit pas en réchapper… ». Il perçut dans le désaccord dans le regard de Salrin.
« Tu voulais toi-même l’emmener devant la Lumière… mais la rédemption n’est pas possible pour ce genre d’individu… » « L’est-elle seulement pour toi… » murmura-t-elle pour elle-même.
***
Salrin ne comprenait pas Barthikorn. Elle qui pensait pourtant qu’il incarnait l’honneur et la justice… Il perdait en ce moment même tous ses moyens devant ce worgen. A vrai dire, à mesure qu’ils s’engouffraient dans les abîmes des galeries, elle avait l’impression que le guerrier plongeait à chaque pas un peu plus dans la spirale de la vengeance. Lui qui déclarait vouloir emmener les coupables devant la justice, voilà qu’il souhaitait incarner cette même justice… prêt à tuer à n’importe quel prix cet Amiral.
Pire encore, malgré le fait que le worgen soit leur ennemi, elle était totalement en phase avec ce qu’il affirmait. Il faisait preuve d’autant plus de raison et de logique que Barthikorn qui lui faisait penser de plus en plus à une bête assoiffée de sang.
« Quelle épreuve me mets tu donc en travers de mon chemin, Sainte Lumière ? » s’interrogea-t-elle. Devait-elle suivre aveuglément le chef de leur groupe, au risque de devenir ce qu’elle a toujours abhorré ou attendait-on d’elle qu’elle raisonne le grand guerrier… ? Elle ne savait pas quoi faire pour venir à bout de cette impasse… L’Amiral réapparut… Elle n’avait plus le temps de réfléchir. Terminant une bénédiction salvatrice au groupe entier, elle se plaça sur son flanc gauche pour le harceler de coups tandis que Barthikorn occupait le principal centre d’attention de l’ennemi.
« Gamin… tu ne peux pas te voiler la face indéfiniment… Tu es un monstre tout comme moi… et tu devras assumer tes actes ! » glapit Grondéventre avant de perdre l’un de ses sabres. Sur les côtés du pont, les apparitions brumeuses se faisaient de plus en plus nombreuses… Quel qu’en soit l’issue, il fallait en finir au plus vite !
« Meurs, worgen ! C’est par ta faute si je réclame justice ! C’est par ta faute si je dois me battre ! Les worgens sont une tâche sur la face de ce monde ! » hurla Barthikorn en tournoyant sur lui-même, tailladant de part en part le torse de l’ennemi.
« Tu es un monstre ! Une affreuse bête capable de dévorer l’humanité de chacun !! ». Reprenant fermement ses appuis, il frappa méthodiquement les points faibles de son adversaire tandis qu’il le déstabilisait grâce à son bouclier. Evitant la plupart des coups qui lui étaient portés et bénéficiant du soutien de ses alliés, il dominait enfin le duel dont l’issue ne faisait plus aucun doute… C’est d’un coup sec qu’il décapita l’Amiral.
La tête isolée alla s’écraser sur les planches de bois du pont quelques mètres plus loin tandis que les fantômes de brumes disparaissaient. Aucun n’osait bouger… attendant que leur chef donne la suite des indications… Salrin observait Barthikorn, haletant, tomber à genoux et lâcher son arme. A la vue de cette scène, Heyl s’empressa d’invoquer diverses prières régénératrices mais elle lui fit signe qu’il n’en avait pas besoin. Que lui arrivait-il ? Elle s’approcha du guerrier.
« Barth ? » « Je sais qu’il avait raison… » lâcha-t-il dans un souffle…
« Je sais que je n’arrive pas à suivre mes promesses… » Elle le vit serrer ses mains sur la poignée de son épée…
« Mais je n’arrivais pas à rester calme… Les worgens m’ont tout pris… ma famille… mes amis… ma patrie… ma vie… ». Le guerrier se releva en grognant.
« Je hais les worgens… et le pire là-dedans, c’est que je ne regrette pas de l’avoir tué… » Il marqua une pause avant de reprendre.
« Vous pouvez me juger comme vous le souhaitez, je m’en moque… Je sais que je n’arrive pas à être à la hauteur de ce parangon de justice que vous attendez de moi… J’ai beau essayer… je n’y arrive pas… Je ne suis qu’un homme… qui ne peut s’empêcher de rêver de vengeance lorsqu’il fait face à son ennemi… quitte à délaisser ses promesses » Le groupe faisait silence, ne sachant que dire face aux révélations de Barthikorn.
« Voilà pourquoi je me comporte de la sorte… Je ne suis pas un protecteur… Mais un simple jeune humain assoiffé de vengeance… Et sachez que j’éprouve tout autant de haine envers VanCleef… ». Salrin restait interloquée quant à la vraie personnalité de leur chef de groupe… N’était-il donc qu’un homme comme les autres… qui n’avait pour lui que sa compétence d’escrime ? Déçue de ce qu’était cet homme, elle en détourna le regard… Pour le porter sur le pont, puis le navire dans son ensemble. Elle profitait de ce moment de calme pour étudier l’architecture du vaisseau de guerre, salement amoché depuis leur arrivée. Elle remarqua qu’une note trainait au sol et s’y dirigea pour aller la ramasser. Le message qu’elle y lut la laissa perplexe :
VanCleef,
Nos supérieurs souhaitent que la Confrérie entame les préparations de guerre, comme nous l’avions antérieurement décidé. Attaquez le port pour la nouvelle lune. Nous nous sommes assurés de réduire les résistances de l’interne. N’échouez pas.
Opelheim
***
Seul le crépitement des flammes issues des explosions des canons brisait le silence macabre qui s’abattait sur la baie des Mortemines. Barthikorn, de son côté, reprenait son souffle. Effectivement, l’Amiral avait raison sur toute la ligne… et il suffisait de voir les regards que lui jetaient ses compagnons pour y voir une preuve. Non, il n’était pas l’un de ces fiers défenseurs d’Hurlevent. Il n’était qu’un gamin sachant manier une épée et un bouclier… incapable de tenir la moindre des promesses. « Eilayn… tu devras te trouver un nouveau bras armé » se surprit-il à songer. Dubitatif, ses pensées dérivaient pour donner un sens à son existence, si futile soit-il.
Le tirant de ses songes, la main réconfortante d’Ugh vint se poser sur son épaule.
« Moi, je te comprends Barthi » affirma-t-elle, plongeant profondément son regard dans le sien. Il ne savait que penser de cette déclaration mais, quelque part, cela le réconfortait.
« Merci » « Barthi ? Viens voir ce que j’ai trouvé » déclara la paladin en tenant la note vers le guerrier.
« Qu’est-ce que c’est ? » interrogea-t-il en prenant des mains le morceau de papier. Ce qu’il y lut le satisfit amplement. Il avait la preuve sous les yeux de l’existence d’un lien entre les Défias et des ennemis intérieurs à la cité.
« Très bien. Continuons à fouiller le pont en quête d’autres indices ». Le groupe s’affairait docilement à cette nouvelle tâche tandis qu’un rire de l’autre côté du pont se fit entendre…
« Hahaha…. J’ai attendu un long moment pour ça, vous savez… Attendant mon heure, construisant mes forces, étudiant les personnalités de mes ennemis… » VanCleef ! C’était elle ! Cette gamine qui avait tué tant d’hommes pour venger son père… Elle devait être neutralisée !
« Les gars, en position ! » ordonna Barthikorn au reste du groupe. Heyl se placa en retrait tandis qu’Ugh, Salrin et lui se rapprochaient. Ugh était presque au corps à corps lorsque VanCleef reprit.
« Vous avez détruit mes rêves les plus fous et je dois vous arrêter. Toutefois, je n’ai jamais été très douée au combat au corps à corps, vous savez. Pas comme mon père…Mais…. J’ai toujours excellé dans l’élaboration de poisons… Spécialement les venins qui affectent l’esprit !» Sur ces mots, elle balança une fiole verdâtre au centre du groupe qui, en se brisant, les immobilisa sur place.
« Arg… je ne peux plus rien faire ! » pesta Heyl à l’arrière… Effectivement, Barthikorn ne pouvait rien faire aussi. Il enrageait tout autant ! Son ennemi se trouvait juste là et il ne pouvait pas bouger d’un pouce ! C’est contraint à assister impuissant à la scène qu’il vit VanCleef descendre de son perchoir pour se placer aux côtés d’Ugh.
« Je vous ai observé depuis votre entrée dans la baie, vous savez. Et je dois avouer que votre chef… ce grand guerrier juste-là… dispose d’une volonté de fer. Mais, durant mon entraînement, j’ai appris à briser les plus grandes ambitions… et je sais exactement comment réduire sa combativité à néant ! » affirma-t-elle en passant sa main sur le visage d’Ugh, visiblement angoissée par cette jeune femme.
« Ne rêve pas ! Rien au monde ne pourra m’empêcher de t’arrêter VanCleef… tu as bien assez tué jusqu’à maintenant ! » répondit ardemment Barthikorn. Le poison ne pourra pas faire effet bien plus longtemps… Ce n’était qu’une question de temps, il en était certain !
« Oh vraiment ? » Elle sortit de son ceinturon deux dagues dont la lueur indiquait qu’elles étaient enduites de poisons.
« Et comment comptes-tu empêcher ça ?! » Elle poignarda sauvagement Ugh dans le torse, profitant des interstices laissés par son armure.
« NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOONNNNNNNN !!!! » Le sang s’écoulait abondamment de la blessure tandis que le corps de la guerrière s’écroulait au sol.
« UGH !!! Relève-toi ! Je t’en prie !! » Pas elle… non… pas Ugh… Elle était la seule à le comprendre…. Elle avait un avenir de gloire devant elle… Elle ne pouvait pas mourir… Elle n’en avait pas le droit !
« Ugh…. » Les larmes abondaient le long de sa joue tandis que la guerrière, dans un dernier effort, tourna le regard vers lui…
« N’oublie pas… Barthi… je crois en toi… » dit-elle d’une voix si faible qu’il eut du mal à l’entendre
« Ne parle pas Ugh… Heyl, SOIGNE-LA !!! » hurla-t-il.
« Je ne peux rien faire Barth… je suis bloquée… » répondit Heyl d’une mélancolie macabre. Bon sang… elle ne devait pas mourir ! Et l’autre VanCleef, qui se tenait là… riant aux éclats… Cette folie macabre devait s’arrêter !
« Barth… » reprit Ugh, dans un dernier souffle…
« Ne te donne pas des airs… » Elle toussa
« De grand justicier… » Elle semblait lutter pour dire ce qui allait suivre….
« Affirme-toi. Assume-toi dans ta totalité…. Et ce jour-là, tu pourras songer à tenir tes promesses » Elle toussa plus gravement encore et cracha du sang.
« Ce jour-là, je serai là… ». Elle semblait vouloir dire autre chose… mais les forces la quittaient… tandis que l’étincelle de son regard s’éteignait. Ugh était morte.
« NOOOOOOOOOOOOONNNNN !!!!! » hurla Barthikorn. Se tournant vers VanCleef, il aboya
« Je vais te tuer VanCleef !! Même si je dois y laisser mon honneur !!! JE TE TUERAI !!!! ». La journée qu’ils avaient passés ensemble revint à lui… les longues heures d’entraînement… la mission aux Marches de l’Ouest… Tout… il se rappelait de tous ces moments passés avec elle… VanCleef n’avait pas le droit de lui enlever Ugh…. Elle devait mourir ! De ses propres mains !
Les larmes qui coulaient le long de ses joues n’étaient plus uniquement des larmes de douleur ou de peine. La Rage l’habitait…. le tenaillait … Elle réclamait vengeance ! Arrêter de se donner des airs de grand justicier ? Très bien ! Il s’abandonna totalement et embrassa cette Rage qui le hantait. Il se sentit grandir…. Il découvrit de nouvelles facettes de sa force qu’il ne soupçonnait pas même jusqu’alors… Il vit du coin de l’œil les regards horrifiés de ses camarades avant de sombrer dans l’oubli.
***
Il ne se souvenait de rien… à part quelques bribes. Il n’était plus maître de son corps ! Il bondissait, tranchait, tuait allègrement ! Repoussant les limites du poison, il se jetait sur toutes formes humanoïdes qui se trouvaient sur le pont…. Il devait se Venger !!! Il se souvenait des renforts de VanCleef… il les avait déchiqueté…. Il se souvenait de VanCleef elle-même et de la morsure dans la gorge qu’il lui avait portée. Il se souvenait d’avoir été la mort incarnée sur ce pont…. Il tuait sans relâche ! Il griffait et mordait de toutes parts et rien ne l’arrêtait.
« Ar… » Il entendait quelques bruits… « Arr… te » Ou plutôt une voix…. « Ba…thi… » Elle lui était familière « Arrête… » Ugh ? Non, impossible, elle était morte !! « Barthi… arrête… » Ce devait être Salrin… oui c’était elle... elle n’était pas son ennemi. A cette pensée, il put redevenir maître de son corps tandis que la rage qui l’habitait disparaissait. Il tenait à la gorge Salrin, horrifiée et en pleurs devant le carnage qu’il avait mené…
C’est là qu’il tourna lui aussi son regard vers le reste du pont…. Son épée est son bouclier trônaient au centre du pont… tandis que des cadavres jonchaient le sol… des Défias… VanCleef… Ugh… Grel… Heyl… Tous étaient morts. Etait-ce vraiment lui qui avait fait ça … ?
Se retournant vers Salrin et lâchant sa prise, celle-ci s’effondra sur le sol et, lorsqu’elle vit que le guerrier n’était plus une menace, s’enfuit. Elle courait comme si elle avait vu la mort œuvrer sur le pont et ne se retournait pas. Disparaissant dans la noirceur des cavernes, elle laissa seul Barthikorn… le monstre des Mortemines.
Tombant à genoux… il baissa le regard vers ses mains ensanglantées… pour n’y voir que des griffes.
« Qu’ai-je fait ? »